L'agrivoltaïsme d’élevage se pratique avec des bovins, ovins, ou gallinacés comme dans le témoignage ci-dessous
Spécialisée dans la production de gibier – faisans, perdrix – élevés dans un but de réintroduction dans la nature, l’exploitation familiale de Jean-Marc et Sylvia Guillioud, dans l’Isère, a pris le virage du photovoltaïque il y a plus de dix ans et, plus récemment, celui de l’agrivoltaïsme. Sylvia Guillioud en relate les avancées et les bénéfices, dans un contexte où le changement climatique est venu rebattre les cartes.
Sylvia Guillioud : notre exploitation compte quelque 50 000 oiseaux par an en moyenne, qui évoluent dans de grandes volières extérieures, sur une superficie totale de 16 ha. Dans les années 2010, nous avons rénové des bâtiments et à cette occasion avons mis des panneaux solaires en toiture. Pour ne pas mettre l’exploitation en péril et bien séparer les activités, nous avons créé une SAS dédiée à la production d’électricité, Golden Solar.
Les investissements étaient importants mais la rémunération de l’État également. Nous y avions été incités par un ami qui avait monté un bureau d’études spécialisé dans l’énergie solaire et qui a pu assurer la partie très complexe du montage administratif avec EDF et Enedis. De notre côté, nous nous sommes chargés de la construction des installations avec des partenaires agréés et avons trouvé nous-mêmes notre fournisseur de panneaux solaires avec qui nous travaillons toujours aujourd’hui.
En 2015, nous avons commencé à nous apercevoir de la hausse de nos consommations d’eau liée à l’utilisation des asperseurs en période de chaleur pour arroser les cultures et rafraichir les élevages. Nous avons aussi constaté que les oiseaux cherchaient un abri quand il y avait un coup de chaud et que les cultures présentes dans les volières – principalement du maïs et du sorgo destinés à leur alimentation – n’étaient plus suffisantes. Nous avons réfléchi à une protection en complément des cultures. Nous avons fait l’essai avec deux « carports » en aluminium proposés par nos fournisseurs, des structures équipées de panneaux photovoltaïques en hauteur, de 90 m de longueur par 7 m de largeur, que nous avons installées dans une volière d’1 ha, assorties d’un dossier de revente de l’énergie à EDF. Elles constituent de vrais abris à gibier. Cette année-là, il y a eu de très grosses chutes de grêle. Nous avons eu beaucoup d’oiseaux tués ou blessés dans les zones non protégées, mais aucune perte dans cette volière-test.
Ils sont très nets : dans les volières équipées, nous avons enregistré sur trois ans un gain de productivité supérieur à 5 %. Nous n’avons plus besoin d’arroser pour rafraichir le gibier et les cultures, les oiseaux ont de l’ombre quand il fait chaud – ces dernières années, nous avons observé des températures proches de 40°C – et un abri en cas de grêle, neige ou fortes pluies. Le changement climatique représente désormais un vrai défi pour notre exploitation et l’agrivoltaïsme offre un intérêt évident à la fois pour notre production, le bien-être animal, la sécurité des animaux et l’économie de la ressource en eau. En outre, lors de l’épisode de la grippe aviaire qui a entrainé de nouvelles réglementations de bio securité, notamment l’obligation de couvrir les mangeoires et abreuvoirs en plein air pour éviter les risques de propagation, nous avons pu constater que nos installations étaient 100 % conformes à ces exigences. Nous n’utilisons que des panneaux solaire transparents, ce qui permet à la végétation de pousser sous les abris.
Nous allons construire de nouveaux abris à gibier sur 30 % de la surface des volières, avec un plan d’investissements sur quatre ans. En 2024, cela représentera 4 600 m² recouverts, pour une production annuelle de 1 150 809 kWh. En respectant la réglementation, soit une puissance maximum de 250 Kva par installation, qui permet une gestion technique plus simple car en basse tension. Les revenus couvrent largement l’emprunt que nous avons contracté sur douze ans et nous laissent une marge. C’est vraiment un avantage dont peu bénéficient. Assurant toujours nous-mêmes la construction, nous avons eu la chance de pouvoir nous entourer de sous-traitants qui sont montés en compétences pour obtenir les agréments nécessaires, et d’avoir avec le Crédit Agricole Centre-est, avec qui nous avons monté le dossier d’emprunt, un interlocuteur d’une grande réactivité. Nous pourrons à l’avenir travailler pour d’autres agriculteurs intéressés, fournir expertise et conseil pour implémenter chez eux des installations dont ils profiteront de manière simple.
* Arrêté du 6 octobre 2021